Peu de territoires ont été autant marques et privilégies que la zone géographique qui s'étend au sud de Rome, par la présence ou par le passage de Dieux tout puissants, d'hommes spirituels, de pèlerins de l'absolu qui ne sont pas seulement un souvenir cher à l'histoire de notre civilisation, mais qui continuent à vivre dans les valeurs idéales, religieuses, morales et culturelles qui forment le tissu même de la société.


Les abbayes de Subiaco, de Mont Cassin, de Saint Dominique près de Sora, de Fossanova, de Casamari, de Valvisciolo, de saint Martin du Cimino, de saint Dominique de Trisulti sont là pour témoigner et pour renouer les fils de notre histoire dans un engagement de témoignage évangélique et d'élévation de l'homme. Sur cette terre flotte, paternelle et bénissante, la présence impalpable du patriarche saint Benoît, incarnée dans l'esprit de la Règle: une spiritualité limpide et lumineuse, sure de sa foi, laborieuse et tenace dans son chemin vers l'éternité. Après un début d'expérience comme ermite, saint Benoît, faisant preuve d'un grand discernement, voulut institutionnaliser "1'école au service du Seigneur" pour les moines cénobites, c'est à dire "ceux qui vivent dans un monastère en servant une règle et un abbé". Et c'est sur notre terre qu'a grandi cet arbre qui a étendu ses racines dans toute l'Europe en appelant les peuples à vivre dans la fraternité à l'abri de son ombre.
C'est de là qu'a jailli la source qui a imprègne, de sa sève d'ardeur au travail et d'initiative, le monde chrétien dans son ensemble. Le pullulement des abbayes et des dépendances bénédictines, pendant un millénaire et demi, sous dénominations diverses mais provenant toutes de la même souche, a tellement imprégné l'Europe qu'il est difficile, dans notre spiritualité, notre histoire, notre culture, de distinguer et de séparer l'expérience chrétienne et humaine de l'influence bénédictine. Les abbayes, auxquelles conduisaient la pénétration profonde et dense des cellules et des granges dans les campagnes depeuplées et abandonnées, ont été les fondements de l'histoire, les centres de l'évolution humaine, de l'ordre social, du rayonnement culturel, des manifestations artistiques et des initiatives politiques.
En tenant haut le flambeau de la foi sur les ondes du temps et sur le désaccord des égoïsmes humains, ces citadelles de l'esprit, situées sur les cimes des montagnes ou au fond des vallées, ont été, et sont encore des modèles de la participation fraternelle envers l'humanité et des témoignages de la réalisation du christianisme.
La fête du 11 juillet, dédiée à saint Benoît, Patron de l'Europe, représente la reconnaissance qui est due à l'action de ses descendants qui s'est déroulée sur plus d'un millénaire, lesquels n'ont jamais renie l'idéal du Père. Les abbayes, extrêmement nombreuses, de par leurs installations, leurs structures, leurs implantations mêmes, révèlent les stratifications historiques variées et diverses, et sont le témoignage de la capacité de régénération spirituelle, de la réincarnation historique et de la volonté de prendre en charge les problèmes des autres. Gaspard Bruschius, dans sa "Chronologia Monasteriorum Germaniæ 1llustrium ", met en évidence les caractéristiques des différentes implantations monastiques, à deux époques distinctes, l'époque de saint Benoît (480-547) et celle de saint Bernard (1090-1153): "Semper enim valles, sylvestribus undique cinctas Arboribus, divus Bernhard us amænaque prata Et fluvios; juga sed Benedictus amabat et arces Coelo surgentes, e quorum vertice late prospectus petitur".
Un distique cite par Aubert, dans "L'architecture cistercienne en France", reprend de fa~on synthétique le concept et l'étend également à d'autres spiritualités postérieures: Bernardus valles, Benedictus montes amabat, oppida Francescus, celebres Ignatius urbes". Nous pensons toutefois que point n'est besoin d'insister trop sur la différence entre les implantations bénédictines sur les montagnes et celles des cisterciens dans les vallées sans bien insister sur le contexte historico-social différent du haut et du bas Moyen-age. Quand, à la fin du XIème siècle, apparaît l'Ordre cistercien, il se dessinait déjà une certaine physionomie des futurs Etats et un calme relatif après les migrations massives de populations. La tranquillité, qui venait après un état de menace continu, et la relative sécurité ont également encourage les moines bénédictins à descendre de la montagne fortifiée pour s'installer dans les vallées accueillantes et fertiles, mais la fameuse phrase "Benoît préférait les montagnes, Bernard les vallées" est restée pour signaler la différence primordiale qui existait entre les deux inventeurs, à des époques différentes, des implantations monastiques occidentales.
La structure d'une abbaye est le miroir d'un programme qui reflète, toujours et n'importe où, un idéal de vie. Du chapitre LXVI de la Règle de saint Benoît émerge de façon évidente l'obsession de l'organisation interne de la communauté qui préside à la disposition et à la structuration des édifices: "le monastère ; se construisait, si possible; de façon à pouvoir trouver tout le nécessaire, c'est à dire l'eau, ; le moulin, le potager et les localisations des différentes activités de telle manière que les moines n'aient pas à aller au dehors, ce qui n'était d'aucun avantage pour leur âme".
La tentative de reconstruction du monastère bénédictin primitif est rendue difficile par le manque des éléments; on ne connaît pas, par exemple, chaque vestige de la construction primitive de Mont Cassin. Pour trouver les premiers documents il faut remonter à l'époque carolingienne, quand l'abbaye bénédictine est devenue l'élément porteur de l'organisation civile et du réveil culturel de l'Europe: saint Riquer, saint Gallo et Fontanelle. Pour plus d'information, il faut encore aller plus loin que le IXème siècle, après les perturbations des invasions hongro-sarrasines et normandes.
La reprise de la construction s'est fait dans les premières décennies du Xème siècle avec les fondations de l'abbaye de Cluny qui présente trois phases de développement: les plans de la seconde (993-1048) et de la troisième (1077-1086) ont été fidèlement reproduits. En ce qui concerne le modèle historique, l'édifice monastique semble s'inspirer, pour l'essentiel de sa structure, de la villa romaine, surtout pour le cloître qui reprend le péristyle avec l'intention de regrouper et de relier 1es parties de l'ensemble dans une construction harmonieuse et fonctionnelle.

Sous l'influence de la reforme clunisienne, on a assisté à un réveil fébrile de l'activité constructive, soit dans la fondation de nouveaux monastères, soit dans l'agrandissement des structures déjà existantes: l'examen d'un grand nombre de monastères de cette époque témoigne de ce que le type d'installation de Cluny était devenu une norme.
L'Ordre cistercien, qui est ne et s'est développé à partir de l'ordre bénédictin, s'est inspire de celui-ci pour la structure urbanistique des abbayes. Avec l'application de leurs principes spirituels à la construction des monastères, les Cisterciens ont donne à l'architecture un caractère de force, de grandeur et de simplicité qui a fortement contribue à la naissance et au développement de l'art gothique et leur a ainsi valu l'appellation de missionnaires du gothique. Les abbayes cisterciennes présentent, du point de vue architectonique, une uniformité de ligne et une disposition constante des lieux, selon les exigences pratiques, quoique s'adaptant aux conditions de l'endroit, à la configuration du terrain, au cours des eaux et aux courants des vents.
Il a été calcule que les abbayes cisterciennes de communautés masculines, entre 1098 et 1675, ont été 742. A cela il faudrait ajouter celles, plus nombreuses, de communautés féminines, desquelles, malheureusement, dans l'état actuel des recherches historiques, il est impossible d'établir une statistique fiable. De l'analyse architectonique des abbayes italiennes on note une certaine différence entre les abbayes de la zone lombarde et celles du centre sud. Les Cisterciens, en Lombardie, ont fait l'expérience d'une tradition fortement enracinée, celle des Maîtres Comasques, et ils étaient en contact avec les nouveaux matériaux et les nouvelles techniques de construction. Dans l'Italie centre-méridionale, au contraire, ressort une intransigeance rigide, tendue vers le but de réaliser des structures architectoniques conçues comme un reflet de la vie.
Les abbayes ont eu, souvent, une histoire architectonique longue et tourmentée, ponctuée de vicissitudes religieuses, sociales et économiques.
Durant ces longues périodes artistiques elles ont forme une école d'architecture perpétuellement en activité qui a eu une influence non seulement par sa diffusion, mais qui a également exporte des idées de projets et des techniques de construction par les corporations mêmes qui travaillaient sur les chantiers des monastères. Souvenons-nous de l'importance de l'architecture cistercienne dans la genèse et dans le développement de l'architecture non seulement des châteaux et des résidences de Frédéric II en Italie méridionale, mais aussi dans l'activité d'édification et d'urbanisation des communes de l'Italie septentrionale et centrale: "L'Europe des villes naît dans les granges des abbayes, dans leurs chantiers-écoles caractéristiques qui, plus que les pensées philosophiques, scientifiques ou religieuses, furent la tête de pont non seulement du rapport entre l'Eglise et le monde du travail... mais aussi de la technologie européenne et surtout de la science appliquée à la technologie" (A.M. Romanini).
L'architecture cistercienne du chantier de l'abbaye se répandait ainsi, comme une tache d'huile, dans les maisons-filles, dans les granges, dans les résidences dépendantes, et par ricochet, par propagation, dans les constructions religieuses, civiles et militaires à l'édification desquelles étaient fréquemment appelés les moines eux-mêmes.
C'est ainsi qu'ont surgi des joyaux architecturaux cisterciens, tels Fossanova et Casamari, de la structure desquels émanent une allure classique, un équilibre serein entre la masse et le vide, un jeu d'interaction entre l'espace caractéristique au carré de la construction et les éléments qui, en se détachant symétriquement des pilastres, le délimitent et le circonscrivent avec une scansion rythmique qui prend le pas cadence et mesure d'un ballet classique. Il semble que le thème de l'harmonie se cristallise en une masse et que la masse se dissolve en un mouvement.
De la disposition, de la dénomination même des pièces résulte l'extrême fonctionnalité de la construction cistercienne, dont l'implantation est conçue en fonction de la vie, et dont la structure est un reflet de la spiritualité.
La rationalité au service de la fonctionnalité reflète, dans la simplicité dépouillée et eurythmiquement articulée des éléments, la beauté sans fioritures et sans camouflage d'une âme profondément apaisée, en harmonie avec elle-même, avec Dieu et avec les autres, la gravitas, dans l'acceptation la plus vaste du terme des Cisterciens. Les touristes qui visitent les abbayes, effectuant quasiment un pèlerinage laïque aux sources de leur propre culture, sont parfois surpris de la présence et de la vitalité de certaines communautés monacales: les touristes viennent ici afin d'explorer des ruines ou un froid monument et, au contraire, ils se voient remplis de la chaleur composée et solennelle de la liturgie qui émane de la profondeur des siècles; ils sentent le long souffle de l'histoire qui s'incarne ici dans un vécu humain.
On est comme stupéfaits à la pensée qu'après quinze siècles d'histoire, qui ont inexorablement englouti les hommes et les institutions, à Mont Cassin, qui est presque une perle rare, une communauté de moines mythiques, malgré les incendies, les tremblements de terre et la barbarie humaine, continue au même rythme et dans le même esprit, sa mission chrétienne et humaine de témoignage de Dieu et de point de référence pour ses frères. Principalement aujourd'hui, après le dépouillement des fioritures historiques, les monastères sont retournes à leur fonction primitive et incisive de témoins de l'amour du Christ crucifié et ressuscité, de lieux où "dans l'exercice de la vertu et dans la foi, le cœur se dilate et le chemin des divins préceptes est parcouru dans l'inexprimable douceur de l'amour" (saint Benoît, Règle).

 

La chartreuse de Trisulti



A Trisulti, le monastère situé sur le flanc de la montagne Rotonaria, sur la commune de Collepardo, dans le diocèse d'Alatri, la vie monastique communautaire a connu son début avec la présence et l'œuvre de saint Dominique de Foligno, grand réformateur et fondateur d'abbayes bénédictines du bas Lazio. Il commença, quelques années après l'an Mille, par un splendide complexe monastique dont il reste, en plus de nombreuses ruines, la partie centrale qui est composée de l'église et de la salle capitulaire, qui, malheureusement, est laissée à l'abandon. Après deux siècles de présence bénédictine, le pape Innocent III décréta, en 1204, le passage de l'abbaye et de ses biens à l'ordre des Pères Chartreux, lesquels envoyèrent sur place quatre frères convers afin qu 'ils prennent en charge la construction d'un nouveau monastère, plus conforme au nouveau genre de vie monastique et moins expose aux chutes de pierres. La construction de la chartreuse fut commencée à peu de distance de la vieille abbaye. L'inauguration officielle eut lieu le 25 septembre 1208, avec des religieux envoyés par la chartreuse de Casotto; en 1211, la nouvelle église fut consacrée et dédiée à Saint Barthélemy apôtre, par le pape Innocent III, lequel, en signe de bienveillance paternelle, se fit construire un palais, restaure en 1958, et qui encore aujourd'hui nous rappelle son nom. Les continuels travaux d'agrandissement, de ravalement et d'embellissement, qui ont été exécutés au cours des siècles, ont contrefait et camoufle le style primitif de la chartreuse. Depuis 1947 la Chartreuse est habitée et entretenue par les moines cisterciens de la Congrégation de Casamari, qui continuent leur saint témoignage par une vie tissée de prières et de travail. La petite communauté monastique, simple prieure dépendant de l'abbaye de Casamari, donne une âme et une vie à la chartreuse vétuste et prend en charge l'accueil des nombreux touristes; les moines s'occupent de l'éducation des séminaristes du lycée classique, prêtant leur concours principalement pendant les jours de jète, aux activités pastoraux des paroisses voisines.

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